Comment baisser le PH de son aquarium ?
Comment baisser le PH de son aquarium sans danger ?
Je vous propose de partager ici mon retour d’expérience sur les différentes méthodes pour acidifier de façon contrôlée l’eau d’un aquarium.
En introduction, il est important de signaler que l’échelle de pH n’est pas linéaire. Elle est logarithmique, ce qui signifie que chaque incrément de un de l’échelle de pH représente un changement dix fois plus important que le précédent. Par exemple, si le pH d’un aquarium passe de 6 à 5, cela signifie que l’acide présent dans cette substance est dix fois plus concentré qu’à un pH de 6. De manière générale, un changement de un de l’échelle de pH représente un changement de concentration en ions hydrogène (H+) de 10 fois.
Rappelons également que les Carbonates ont un effet tampon très important sur le PH de l’eau. En général un taux de carbonates important (KH) stabilise l’eau à des valeurs neutres ou alcalines.
On lit généralement dans la littérature que le KH doit être inférieur à 5 pour être en mesure de faire baisser le PH.
Je considère cette valeur déjà très haute, pour les espèces acidophiles (Amazone, killies ou encore certains poissons asiatiques par exemple) , je suis en général en eau full osmosée sur sol technique et j’ajuste le PH suivant les méthodes décrites ci-dessous.
Rappelons aussi que baisser le PH n’est pas un but en soit, c’est utile uniquement si la population qu’on souhaite héberger le nécessite. Il s’agit donc d’un aspect à bien prendre en compte lorsqu’on choisit ses futurs habitants.
Effet des fruits d’Aulnes
J’ai profité de la mise en eau de deux aquarium âgés de 40 ans et sortis de ma cave pour faire une expérience sur l’effet des fruits d’aulnes.
Conditions expérimentales
Donc deux bacs à cornières de la marque Saint Bernard aujourd’hui disparue, du moins je le suppose, équipés de joints en silicone.
Dimensions : L 50 X P 25 X H 28 soit 35 litres tout rond chacun.
Ces bacs sont destinés à l’élevage, la quarantaine ou autre.
Ils sont tous les deux équipés de :
– un Filtre d’angle Nano Dennerle avec en plus la Nano FilterExtension remplie de Nano Bio FilterGranulat
– un chauffage Dennerle Nano ThermoCompact 50 W
– un éclairage néon Dennerle Nano Light 11 W
– Pas de CO2
Les bacs sont chauffés un peu en dessous de 26 °C.
Ils sont remplis d’eau issue d’autres bacs (très douce) et d’eau osmosée.
Dans le bac de gauche (cornière or) une dizaine de Boraras maculatus pour les faire pondre (Avec les crevettes, ils pondaient comme des lapins).
Dans le bac de droite cornières argent, aucun poissons.
Sol une boite par aquarium de 1 kg de Nano Deponit Mix
Plantes, identique dans les deux bacs :
– Mousse de Java
– Hemianthus glomeratus
– Ludwigia Palustris
– Limnophila aquatica
– Salvinia Natans
Protocole de test
Voyant que les Boraras ne pondaient plus, contrairement aux bacs des crevettes qui était enrichi au CO2, je me suis dit que ce devait être un problème de PH.
J’ai donc ajouté des fruits d’aulnes uniquement dans le bac or :
- mis 3 fruits d’aulnes :23-mars-17
- ajouté 2 fruits d’aulnes :2-avr.-17
- ajouté 5 fruits d’aulnes :13-avr.-17
- puis encore ajouté 10 fruits d’aulnes :20-avr.-17
Mesures réalisées
Paramètre de l’eau au départ, le 23 mars :
- Bac or :
- PH 7,5 ; Résistivité : 139 ppm
- Bac Argent :
- PH 7,8 ; Résistivité : 121 ppm
Le 16 avril :
- Bac or :
- PH 7,5 ; Résistivité : 145 ppm, KH 3
- Bac Argent :
- PH 8,3 ; Résistivité : 117 ppm, KH 3,5
Paramètre de l’eau à l’arrivée, le 15 mai :
- Bac or :
- PH 8,6 ; Résistivité : 161 ppm
- Bac Argent :
- PH 7,1 ; Résistivité : 116 ppm
Constatations
- On constate sur le bac sans fruits d’aulnes, une croissance progressive et importante du PH. J’ai du mal à me l’expliquer avec cette eau au KH bas. Tendance qu’on constate également dans l’autre bac lorsque le nombre de fruits est faible.
- Les fruits d’aulnes mis en grande quantité (20 pour 35 l. brut d’aquarium) ont bien contré cette hausse de PH et l’a même fait baisser. La présence de poissons a peut être également contribué à cette tendance.
En petite quantité au départ, les fruits d’aulnes avaient bien eu un effet acidifiant mais temporaire. En effet, on voyait la courbe du bac « or » remonter après la baisse.
A l’arrivée en presque deux mois, on a tout de même 1,5 unités d’écart, contre 0,2 au départ, ce qui est important, je rappelle que le PH est une échelle logarithmique.
Autre effet, les fruits d’aulnes on pas mal teinté l’eau du bac « or ».
Avec 10 fruits d’aulnes :
Avec 20 fruits d’aulnes :
Bac argent sans fruits d’aulnes :
Autres méthodes
Sol technique
Le sol technique est un sol fabriqué par les industriels par processus de cuisson.
Non seulement, il est nutritif mais il a également deux capacités intéressantes de régulation de l’eau.
- Il absorbe les carbonates, et fait donc baisser le KH à zéro, mais il n’est pas bon d’utiliser cette capacité car cela épuise le sol et à la longue il perdra ses capacités.
- Il tamponne le PH aux alentours de 5,5 ou de 6 suivant les marques
Cependant, on constate que ces capacités même en eau full osmosée se tarissent avec le temps (12 à 18 mois).
Donc si les valeurs visées de PH sont de 5,5 ou 6, c’est une méthode pratique, quitte à ajouter des sels minéraux non carbonatés si besoin de monter le GH, par exemple pour des crevettes TWB.
Par contre au bout de 12 à 18 mois, il faut soit refaire le bac, soit traiter le PH avec une des autres méthodes citées ci-dessous.
Ça peut également être une bonne base de départ si la valeur visée est plus basse.
Feuilles de chêne, de Catappa et d’autres feuillus
C’est une méthode en fait très proche de l’ajout de fruits d’aulnes. Elle est peu coûteuse et apporte à la fois acidité mais aussi tanins et oligo-éléments bénéfiques au métabolisme du bac.
Je l’utilise souvent de pair avec les fruits d’aulnes.
Personnellement, je trouve que ça apporte un côté naturel au bac que j’apprécie. Certains préfèrent un bac plus « léché » et c’est tout à fait leur droit. C’est une question esthétique, tout comme la teinte de l’eau que certains recherchent et d’autres préfèrent éviter.
Gousses et fruits divers
De même, il est possible d’utiliser différentes gousses ou fruits qui peuvent selon les variétés apporter de l’acidité et des éléments favorables au métabolismes de nos protégés.
Cela peu également apporter des cachettes.
Tourbe
Une méthode pratiquée depuis très longtemps consiste à mettre une proportion de tourbe dans le filtre de l’aquarium (interne ou externe) pour profiter de ses capacités acidifiantes.
C’est une méthode que j’ai pas mal utilisée dans le passé faute de mieux, mais que je n’utilise plus.
Par ailleurs, cette méthode impose des manipulations du filtre pas très pratiques et je considère qu’il est préférable de toucher au filtre le moins possible, seulement quand le débit vient à baisser. La fonction du filtre n’est pas en fait pas de filtrer mais d’offrir un substrat propice aux bactéries nécessaires au cycle de l’azote.
J’ai constaté également, qu’on a plus de mal à contrôler le PH précisément.
Enfin, la tourbe est issue de la fossilisation progressive de la sphaigne, une mousse naturelle se développant en milieu humide, elle passe tout d’abord par le stade de tourbe blonde plus acide, puis s’assombrit progressivement jusqu’à donner la tourbe noire moins acide et plus riche en tanins.
Le processus est lent, la tourbe blonde est âgée de 1000 à 2000 ans et la noire de 10 000 à 12 000 ans.
En conséquence, les tourbières sont considérées comme une ressource fossile.
Leur exploitation de cette ressource non renouvelable n’est donc pas écologique.
Extrait de feuilles de chêne
En fait la méthode que je privilégie actuellement pour les espèces acidophiles, dans des bacs sur sol technique en eau full osmosée également enrichis de feuilles diverses et de fruits d’aulnes pour tamponner l’eau grâce aux matières humiques.
L’extrait de feuille de chêne est extrêmement acide, il suffit de quelques millilitres pour faire diminuer le PH d’une unité un bac de 180 litres dans les conditions décrites ci-dessus.
C’est un produit renouvelable et naturel. Etant donné son acidité très élevée, on en met très peu et il ne colore donc pas l’eau.
J’ajoute un contrôleur électronique de PH permanent bien visible, pour suivre précisément le PH du bac et éviter tout incident, qui jusque-là ne s’est pas manifesté.
J’ai remarqué que les réajustements sont de moins en moins nécessaires au fil du temps et qu’au bout de quelques mois le PH semble se stabiliser au PH souhaité, sauf changement ou forte agitation de l’eau bien entendu.
L’avantage de l’extrait de feuille de chêne est qu’on peut à la fois descendre très bas et très rapidement par rapport aux autres méthodes et ceci avec une précision très fine.
Le CO2
J’ai acheté à une époque des moniteurs de PH qu’on connecte à l’électrovanne d’un système de CO2 pour contrôler le PH.
C’est une méthode que j’ai complètement abandonnée, ces PH-mètres électroniques ne sont plus connectés et ne sont plus utilisés que pour le contrôle visuel.
En effet, j’ai vécu, un incident qui failli être fatal à mes loricaridés (plus sensibles au CO2) et qui si je n’avais pas réagi à temps, l’aurait aussi été pour toute la population du bac.
Le CO2 est toxique à forte dose pour les habitants du bac, cette mauvaise expérience m’a appris que l’utiliser pour régler le PH était dangereux.
Je continue à utiliser le CO2, mais uniquement pour une fertilisation raisonnée des plantes.
En définitif, quelle méthode choisir ?
Nul ne détient la vérité dans ce domaine, je serais cependant tenté de dire toutes à la fois mais avec précaution :D
Par exemple, j’ai un groupe de Biotoecus opercularis, cichlidé nain amazonien qui nécessite un PH de 4,5 pour sa reproduction.
Je leur ai donc préparé un bac de 180 l. avec un sol technique assez acide (ADA Malaya qui malheureusement, je crois ne se commercialise plus).
J’ai ajouté, fruits d’Aulnes et feuilles d’arbres divers.
J’ai installé une fertilisation au CO2 activée pendant les heures d’éclairage à l’aide d’une électrovanne branchée sur le même programmateur, mais uniquement à des fins de fertilisation.
Et j’ai réglé plus finement le PH à l’aide d’extrait de chêne.
Tout ceci sous la surveillance d’un PH-mètre électronique branché en permanence.
Mon PH se stabilise aux alentours de 4,5 depuis 2 ans. Lorsqu’il remonte de un ou deux dixièmes, j’ajoute quelques millilitres d’extrait de chêne et ce de plus en plus rarement.
Voici donc un petit panorama des méthodes que j’ai pratiqué pour acidifier mes bacs, à votre disposition pour en discuter.
Article réalisée par Vincent d’Avobacs.
Article super intéressant 👍
J’ai un projet de bac pour un couple de ramirezi. Pour acidifier l’eau je vais utiliser des feuilles, gousses et fruits d’aulnes.
Merci Vincent.
Marc
Merci Marc,
Ravi si cet article a pu t’intéresser 😊
A bientôt.
Vincent
Super article
Moi aussi j’ai un gros problème de pH que je n’arrive pas stabiliser à 4-4,5 pour un couple de adoketa
Après lecture de cet article je pense voir un peu plus clair et espère avoir trouvé la solution à mon problème
Merci beaucoup pour ce retour d’expérience qui espérons le m’aidera à trouver une solution définitive à mon problème